France
Denrée populaire en Afrique de l'Ouest et centrale où elle est consommée en ragoût, la "viande de brousse", interdite à l'export, reste prisée par la diaspora africaine de France qui s'en procure "par le bouche-à-oreille". A la fois plat de fête et produit illégal.
Antilope, crocodile, pangolin, agouti (sorte de gros rongeur) ou porc-épic… La viande d'animaux sauvages africains, dite "de brousse", est illégale en France. Pourtant, chaque année, les douanes françaises en saisissent plusieurs tonnes.
Près de 25 000 tonnes de viande ont été saisies en 2021 selon les chiffres transmis à l'AFP par les douanes, dont "25% pourraient être de la viande de brousse" soit plus de 6 000 tonnes, estime la direction des douanes des aéroports de Paris, responsables de la grande majorité de ces saisies.
La "viande de brousse" est ramenée en France depuis l'Afrique dans les valises des voyageurs, sous forme de viande fraîche ou de viande dite "boucanée", c'est-à-dire séchée et fumée. Découpée en morceaux, elle est souvent difficile à identifier.
Les contrôles douaniers se renforcent d'année en année : 1 232 saisies ont été menées en 2014 contre 2 622 en 2021.
Aussi, "il est de plus en plus rare" de trouver de la "viande de brousse" dans les épiceries africaines du nord de Paris "où l'on en trouvait habituellement", explique Marie Irène Nyangono, traiteur à domicile en région parisienne d'origine camerounaise. Pour en dégoter, reste le "bouche-à-oreille".
D'où une envolée des prix : le porc-épic, qui se trouve sur les étals de Douala à quelque 5 000 francs CFA (soit 7,60 euros), se monnaye sous le manteau "entre 80 et 120 euros" dans la capitale française, compte-t-elle.
La vipère africaine, bien plus grosse et charnue que son homologue française, "viande de fête" par excellence dans la tradition camerounaise, cuisinée "en cocotte avec de la sauce gombo", s'arrache à Paris "immédiatement, même à 200 euros" la pièce.
Internet charrie son lot de petites annonces : par exemple, on peut trouver sur certaines pages Facebook de l'agouti "entier" à 70 euros, "remis en main propre à Paris", soit plus du triple de son prix de vente en Côte d'Ivoire.
Le trafic de "viande de brousse" alimente un trafic beaucoup plus vaste : celui d'espèces sauvages, estimé par Interpol à plusieurs milliards de dollars par an et considéré comme "la troisième activité de criminalité transnationale organisée la plus lucrative au monde", selon la Plateforme intergouvernementale scientifique sur la biodiversité (IPBES).
En Afrique, la consommation de "viande de brousse", aussi appelée "gibier", est parfois interdite notamment en ce qui concerne les espèces protégées par la Convention de Washington (CITES) telles que le pangolin, menacé d'extinction.
Les risques de zoonoses, c'est-à-dire de transmission de virus de l'animal vers l'homme – la chauve-souris est par exemple un réservoir du virus Ebola - jouent également un rôle dans l'interdiction de la vente de ces viandes dans plusieurs pays.
Le commerce illégal d'animaux ou de leur viande, non soumis à des contrôles sanitaires, "augmente les risques de zoonoses" car ils créent "des contacts rapprochés et répétés entre l'homme et l'animal", développe Marisa Peyre, épidémiologiste à l'organisme français Cirad. "Les animaux sauvages importés peuvent transmettre des maladies, chaque espèce charrie son lot de pathogènes possiblement transmissibles à l'homme".
Pour les fêtes, faute de "viande de brousse" du pays, on peut se rabattre sur d'autres "mets qui rappellent le pays" et se lancer dans des mélanges entre produits de France et d'Afrique.
La Franco-Gabonaise Antompindi Cocagne, dite "Chef Anto", qui anime sa propre émission culinaire, préfère "se contenter des produits qu'on trouve en France" car l'import de viande de brousse "est illégal et le trajet pose des problèmes sanitaires en termes de conservation".
Sur sa table des fêtes, on trouvera en entrée un velouté de taro et crème coco, "qui rappelle les vacances chez ma grand-mère à Libreville", ainsi que du saumon gravelax, "gras comme le poisson capitaine du Gabon", accommodé de mangue verte et d'épices mbongo, "au goût d'ail fumé et de truffe", ou encore une ballotine de volaille farcie au gombo avec une sauce odika, le "chocolat indigène".
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